Le magazine français Télé 2 Semaines a décroché une longue interview exclusive de Tim Kring, le créateur de la série Heroes. Vous pouvez retrouver cet entretien en deux parties ici et ici.Sinon pour ceux qui n'aiment pas les liens, voici le copié-collé de l'interview :
Tim Kring : " On a pas eu le temps de montrer le meilleur de la saison 2"
C’est une interview exceptionnelle que nous accordé Tim Kring, le 21 juin dernier à Cannes, dans les salons du Carlton.
Invité de la 55e édition du Festival International de Publicité, il venait de donner la veille, devant un parterre d’annonceurs du monde entier, une conférence sur la stratégie de déclinaison de la marque « Heroes » sur différents supports : Internet, téléphonie mobile, bande dessinée, figurines, jeux vidéo… (un marketing sans précédent dans l’Histoire des séries).
Avec une incroyable franchise et une disponibilité rarissime pour un producteur de série américaine, le créateur de Heroes a bien voulu revenir, au cours d’un entretien de plus d’une heure, sur les ratés de la saison 2 en cours et les espoirs qu’il nous invite à placer dans la saison 3, en plein tournage et prévue à partir du 22 septembre sur NBC.
Pour Tim Kring, l’enjeu est crucial : si cette nouvelle saison ne rattrape pas les mauvaises audiences de l’an passé, l’aventure Heroes sera bel et bien terminée.
A une semaine de la fameuse Convention des Comics de San Diego, où Kring et une partie de ses acteurs seront présents pour dévoiler en avant première mondiale le premier épisode de la saison 3, le producteur dit tout à Télé 2 semaines. Interview en deux « volumes » (clin d’oeil à la série)…
Volume 1 : LES MALHEURS DE LA SAISON 2
Pour quelles raisons, à votre avis, Heroes a t elle raté son retour ?
Il faut que vous sachiez que Heroes est vraiment très lourde à produire. En terme de budget par épisode, on est à mi chemin entre une série de network et une série HBO.
La réalisation d’un épisode prend au minimum 12 jours, quand 8 suffisent pour une série normale. Nous avons quasiment enchaîné sans interruption la production des saisons 1 et 2 sans prendre assez de temps entre les deux pour l’écriture.
Pour moi, la saison 2 ne révèle vraiment ses enjeux qu’au 7e épisode et nous aurions dû introduire ces éléments bien plus tôt. De même, j’avais souhaité ajouter plus de romance, quasi absente en saison 1, et le public l’a violemment rejeté.
Comment avez vous vécu le four critique de cette saison 2 ?
C’était inévitable, la presse aime faire ça. C’est bien plus intéressant de raconter au public qu’une série télé est moins bonne dans sa seconde saison après un départ brillant, puis qu’elle retrouve sa magie en saison 3. Il y a là comme un arc dramaturgique qui plait aux journalistes.
Les reproches vous semblent donc infondés ?
Non, j’ai commis une erreur : ne pas comprendre qu’après toute l’adrénaline de la saison 1, le public ne voulait pas voir l’action repartir à zéro et s’installer doucement avec de nouveaux personnages. Il voulait qu’on aille plus vite droit au but.
Je suis sûr que cette frustration se serait envolée dans la seconde partie de la saison mais l’interruption au bout de l’épisode 11 ne nous pas laissé de temps.
En novembre 2007, vous battiez déjà votre coulpe dans Entertainment weekly… C’est très inhabituel de la part d’un producteur !
J’aimerais clarifier les circonstances de cette interview. Ce n’étaient pas des excuses, comme on l’a dit, mais une tactique de ma part. Au bout des cinq premiers épisodes, on se faisait écrabouiller de tous les côtés, dans la presse, sur le net, ça n’arrêtait pas.
Or nous (les scénaristes – ndlr) qui avions sept épisodes d’avance, savions que les histoires à venir allaient remonter la pente. J’ai donc ressenti une urgence à aller au devant des critiques pour couper court à cette spirale et dire « OK, on a fait ces erreurs, mais attendez de voir la suite ».
Dés le début, j’ai pensé Heroes comme une série interactive avec ses fans et je voulais leur montrer qu’on était capable de réagir.
A vous entendre, on a donc raté le meilleur de la saison 2 ? (Attention : la réponse comporte des révélations sur la fin du 11e épisode)
Les gens n’ont vu que 11 épisodes d’une saison qui devait en contenir 24 ! C’est une peu comme interrompre la projection d’un film au bout de 40 minutes.
Dans la fin de l’épisode 11, si vous vous souvenez bien, Peter Petrelli sauve le monde en rattrapant in extremis une fiole du virus Shanti avant qu’elle ne se fracasse au sol et libère cette substance mortelle.
Ces cinq dernières minutes en fait, nous les avons tourné au dernier moment en apprenant que ce 11e épisode serait le dernier de la saison. Mais dans la fin tournée initialement, Petrelli ne parvenait pas à rattraper cette fiole et le virus se répandait via les conduits d’aération.
C’était la fin du volume « Generations » et nous aurions alors enchaîné avec le volume 3 de Heroes, intitulé Exodus (Selon un principe défini par Tim Kring, Heroes se divise en volumes : le premier, « Genesis », court sur toute la saison 1 ; le second, « Générations » s’étend du 1er au 11e épisode de la saison 2 – ndlr).
Exodus, que nous avions en parti écrit, décrivait un monde ravagé par l’épidémie, un vrai climat d’apocalypse avec scènes de mises en quarantaine, hélicoptères, tanks…
Lorsque NBC décidé d’arrêter la saison après l’épisode 11, on a donc retourné in extremis un happy end pour avoir une mini saison 2 bouclée. Mais ces cinq dernières minutes ont de facto effacé tout le volume « Exodus ». Or nous avions déjà tourné les épisodes 12 et 13, écrit les épisodes 14 à 16 et nous débutions l’écriture du 17e. Tout a fini à la poubelle mais les épisodes 12 et 13 seront finalement visibles sur le DVD (NB : Tim Kring nous a depuis apporté une précision quant à ces deux épisodes : ils n'ont été filmés qu'en partie et ce avant le début de la grève. Leur production a été interrompue après que les scénaristes aient décidé de retourner in extremis les 5 dernières minutes de l'épisode 11 pour en faire un happy end et boucler la saison. Cette nouvelle fin a de facto tué dans l'oeuf ces épisodes 12 et 13 en cours de production. Environ quarante cinq minutes de métrage au total avaient été tournées : elles figureront en bonus sur le DVD de la saison 2 - ndlr)
Pourquoi selon vous Heroes n’a-t-elle pas marché sur TF1 ?
Il y a sûrement plusieurs raisons. Peut être la programmation de la série n’était-elle pas adéquate : le samedi soir en plein été, alors que le soleil n’est pas couché, ca n’est jamais l’idéal pour regarder la télé.
J’ai aussi des doutes sur la façon dont la série a été lancée mais j’admets qu'elle est très difficile à positionner. Son cœur de cible, les fans du genre super héros, est vital et loyal mais pas suffisant pour garantir le succès d’une série télé. Il faut savoir séduire aussi des cibles plus larges, c’est pour cela que dans nos intrigues, nous privilégions les personnages aux super pouvoirs.
Enfin, le téléchargement illégal sur Internet reste sans doute le plus gros problème. Lors de notre passage à Paris en avril 2007 au festival Jules Vernes, la salle du Grand Rex était pleine à craquer de fans de Heroes qui avaient vu TOUS les épisodes… et nous étions trois mois avant la diffusion sur TF1 !
Il faut désormais vraiment réfléchir à la façon de diffuser nos séries à l’étranger au même moment qu’aux Etats-Unis.
A-t-il été question pour NBC de supprimer Heroes ?
Oh non, cette série leur rapporte toujours beaucoup d’argent en revenus publicitaires et droits dérivés ! Ce fut la décision de la chaîne de ne pas reconduire la série après la fin de la grève des scénaristes.
Mais je les ai moi même incité à aller dans ce sens et cette décision fut une bénédiction pour nous. Revenir après cinq mois d’interruption, avec une intrigue aussi feuilletonnante, pour juste une poignée d’épisodes, aurait été un désastre…
Nous avons eu cette fois du temps pour repenser Heroes, on a mis cinq épisodes en boîte à ce jour et je vous assure que la saison 3 sera une explosion créative. NBC y croit très fort et se servira de la diffuson des J.O de Pékin sur son antenne pour diffuser intensivement des spots de promo pour Heroes.
(à suivre mardi 15 juillet sur le site de Télé 2 semaines : Volume 2 : les espoirs de la saison 3)
Propos recueillis par Philippe Guedj
Tim Kring : "Nous sommes à un moment crucial pour Heroes"
Volume 2 de l'interview du créateur producteur de Heroes. Gros plan sur la saison 3, qui débutera le 22 septembre prochain aux Etats-Unis.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette saison 3, qui débutera par le volume intitulé « Villains » ?Si vous regardez attentivement la série depuis le début, vous savez que la Compagnie (l’organisation secrète chargée de répertorier les mutants, ndlr) séquestre les plus dangereux d’entre eux au « niveau 5 », situé en sous-sol. Dans le premier épisode, certains vont s’échapper et sèmeront le chaos à l’extérieur.
Ils seront pourchassés mais certains auront eu le temps de nouer des liens avec nos « heroes ». Ce n’est pas l’unique thème de la saison. Les héros que vous connaissez déjà arrivent à un stade où ils ont accepté leurs pouvoirs : ils réalisent les opportunités ambiguës que cela représente et certains suivront une voix plus obscure. Matt Parkman (le flic télépathe, incarné par Greg Grunberg, ndlr) en fait partie.
Personne ne nait bon ou mauvais, tout est une question de libre arbitre en fonction des circonstances. Cette saison 3 de Heroes comportera deux volumes : le premier, Villains, s’étendra sur 13 épisodes. Le second couvrira les douze autres, mais je ne peux vous révéler encore son titre.
Avez-vous tiré des leçons des gros problèmes de rythme de la saison 2 ?
Le break anticipé de Heroes l’an passé nous a coûté le tiers de notre chiffre d’affaires mais il nous a donné le temps de réfléchir, prendre de la distance. La salle des scénaristes est au travail depuis le mois de février… En télé, le temps est vraiment synonyme de qualité.
L’action sera vraiment sous adrénaline, les enjeux seront exposés dés les deux premiers épisodes, avec une menace majeure planant sur l’humanité et présentée sous forme de prémonition d’un futur apocalyptique. Mais la menace ne sera pas une redite de celles vues dans les saisons 1 et 2. On vient de filmer l’épisode 5 et le résultat à l’écran est époustouflant.
Au niveau de la réalisation, nous nous orientons vers un style encore plus agressif et graphique, avec plus de caméra à l’épaule, moins de plans moyens au profit des plans d’ensemble et gros plans. Côté effets spéciaux, nous bénéficions chaque semaine des progrès des technologies numériques. Un même effet qui aurait nécessité un puissant ordinateur voici deux ans est aujourd’hui réalisable sur un ordinateur portable directement sur le plateau !
C’est ce qui nous permettra cette année de faire voyager Heroes à Tokyo, en Afrique et à Paris, sans jamais nous déplacer de Los Angeles… (Et Tim Kring n’en dira pas plus sur l’intrigue parisienne, ndlr)
C’est bien beau mais vous n’aurez pas une grève des scénaristes chaque année pour vous donner autant de temps…
C’est pour ça que je pense qu’en cas d’une saison 4, Heroes devra faire moins de 24 épisodes si l’on veut conserver une certaine qualité. On ne fabrique pas des aspirateurs.
D'autres infos sur cette saison 3 ?
Il y aura toujours quelques scènes bien gore ! Plus sérieusement, l’une des erreurs commises sur la saison 2 était de penser que le public voulait découvrir les origines de nouveaux personnages, alors qu’au contraire il désirait savoir où en étaient ceux qu’il connaissait déjà.
Il y aura donc assez peu de nouveaux personnages en saison 3 et surtout, ils seront introduits par l’intermédiaire d’un lien avec les « heroes » déjà existants. Il y aura un vilain majeur, un peu comme Sylar dans la saison 1, dont le lien avec les personnages sera une grosse surprise.
Parmi les vilains échappés de la Compagnie, il y a aussi Flint (joué par Blake Shields, vu dans la série K-ville, ndlr), qui a le don de lancer des flammes ainsi que Joy, alias « The speedster », une jeune femme capable de se déplacer si vite qu’elle échappe au pouvoir de figer le temps d’Hiro.
Quid de Sylar, un des personnages les plus populaires de Heroes ?
Il aura un rôle fondamental dans cette saison 3. Zachary Quinto ayant terminé le tournage de Star Trek (le film de JJ Abrams – ndlr), il est désormais disponible et sera présent dès le début de « Villains ».
Le rôle d’Angela Petrelli, la mère de Peter et Nathan, sera lui aussi crucial et nous avons réengagé son interprète Cristina Rose en tant que membre à part entière du casting.
Kristen Bell sera de retour pour au moins 5 épisodes. Vraiment, je suis très fier de ce que nous sommes en train de réaliser et je suis absolument certain que les fans de Heroes se sentiront récompensés de leur patience.
Naveen Andrews (alias Sayid dans Lost) n’est pas tendre avec Heroes. Il la définit comme un « plagiat bon marché » de Lost…
Je dirais plutôt un plagiat qui coûte cher ! Plus sérieusement, j’ai toujours dit très honnêtement que sans Lost, Heroes n’aurait sans doute jamais vu le jour, dans la mesure où Lost a remis au goût du jour les séries feuilletonnantes. Mais il est très injuste de parler ainsi d’Heroes, nous n’avons rien à voir.
De quel budget disposez-vous pour cette saison 3 de 25 épisodes?
Je ne sais pas si j’ai le droit de vous communiquer ce genre d’information. Je pense toujours que Heroes est un peu moins chère à produire que Lost et en tout cas, tout l’argent est sur l’écran, il n’y a aucune star à gros salaire dans le casting.
On fonctionne avec le même budget qu’il y a deux ans et c’est de plus en plus dur, car tout est tellement plus cher depuis la hausse des carburants. Surtout pour Heroes, qui nécessite beaucoup de transports de décors et matériels.
Dernière question : si Heroes est annulée, avez vous un plan B ?
Pas de plan pour une autre série, non. Nous sommes dans un moment crucial pour Heroes. Au moment de notre retour avec « Villains », le 22 septembre, Heroes aura été absente des écrans pendant neuf mois aux Etats-Unis. Cela fait deux ans que je consacre toute mon âme et mon cœur à cette série et m’assurer du succès de son retour mobilise toute mon énergie.
Quant à l’avenir, je dirai ceci. Je ne veux pas paraître prétentieux, mais en regardant Heroes, j’ai envie que le public se sente concerné par la sauvegarde du monde. J’ai voulu transmettre un message de « conscience globale » et d’espoir. Je crois profondément que le récit archétypal et les personnages mythologiques peuvent changer les consciences, à une époque où le consumérisme et l’avidité ont pris autant d’importance.
Je pense que le public a de nouveau besoin de modèles, d’archétypes et que c’est pour cela que Heroes a touché tant de gens dans le monde. Quoi que je fasse par la suite, je souhaite toujours garder à l’esprit l’idée de contribuer à faire du monde un endroit meilleur.
NB : diffusion des trois derniers épisodes (9, 10, 11) de la saison 2 : le 5 août sur TF1, à minuit
Propos recueillis par Philippe Guedj
